Les dérives du développement personnel sont de plus en plus dénoncées, et c’est une excellente chose, mais je reste persuadée en ce qui me concerne qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
En d’autres termes, je pense qu’il faut prendre conscience des écueils possibles et adopter une vision nuancée, pour un développement personnel plus sain et qui reprenne sa juste place.
Les possibles dérives du développement personnel
Les écueils principaux qui me viennent en tête sont :
- l’hyper-individualisme, qui néglige le rôle de la société, les aspects politiques et l’aspect communautaire (cf mon article : le self-care, c’est politique).
Cela peut se traduire par des horreurs du genre dire à une victime qu’elle est responsable de tout ce qu’elle vit et qu’elle a inconsciemment choisi telle ou telle épreuve, ou bien par penser que tout passe par le travail sur soi alors que nous sommes des êtres qui ont profondément besoin de lien et de soutien, ou encore dire par exemple que les personnes pauvres sont responsables de leur pauvreté car elles vibrent le négatif, alors que nous sommes dans un système profondément inégalitaire, - la positivité à tout prix. On en reparlera, mais toutes les émotions ont leur place. C’est pire que tout de vouloir rester tout le temps positifve, aller tout le temps bien, chercher à éviter à tout prix la tristesse, la colère, le mal-être, etc.
Les émotions sont des messagères. Par exemple, ressentir et exprimer de la colère face à une situation inacceptable, une limite qui a été dépassée, c’est complètement normal et sain. Donc la fausse bienveillance et le refus des émotions soit disant négatives, c’est à fuir ! - penser que le dev perso est la réponse à tout. Il y a plein d’outils intéressants dans le monde du développement personnel, mais on parle uniquement d’outils de bien-être. Et le bien-être, c’est plutôt la cerise sur le gâteau. Quand tu es en mode survie, le développement personnel c’est pas la priorité. Autrement dit, ce n’est pas le yoga qui va guérir une dépression, ni marcher en forêt qui va soigner un syndrome d’anxiété généralisée, et ce n’est pas la loi de l’attraction qui va te permettre de sortir du découvert quand tu es précaire.
En cas de dépression, d’anxiété, de syndrome post-traumatique complexe, etc, en général un suivi par un·e bon·ne psychologue (et éventuellement aussi un·e bon·ne psychiatre) sera un choix bien plus adapté.
Enfin, il y a aussi des abus plus graves : ultra-capitalisme, marketing toxique, manipulation, dérives sectaires, etc. Mais cela n’est pas juste inhérent au développement personnel. Tout ce qui a du succès a des risques d’être récupéré dans un but mercantile ou dans le but de manipuler, exploiter, dominer.
Pourquoi j’aime quand même le développement personnel
Je pense que quand il est remis à sa juste place, le développement personnel offre des outils de bien-être précieux qui peuvent créer de belles prises de conscience, aider à avancer, à se sentir plus heureuxses, plus serein·e·s, plus à sa place dans sa vie, plus confiant·e·s, mieux vivre ses relations, etc.
Pour moi, tout cela demande de la nuance.
Par exemple, reprendre de la responsabilité dans sa vie est très utile et important pour avancer. Mais savoir qu’on est responsable c’est aussi pouvoir faire la différence entre ce dont on est responsable et ce dont on n’est pas responsable, sur quoi on peut agir et sur quoi on ne peut pas. Par exemple, je ne suis pas responsable de ce qui m’arrive, mais je peux choisir comment j’y réponds.
Et attention, là aussi c’est une idée qui peut être détournée ou abusée. Cela ne veut pas dire qu’il y a une meilleure ou une moins bonne façon de vivre un événement. Cela ne veut pas dire non plus qu’on peut contrôler la présence d’une émotion ou qu’il faut se forcer à se sentir bien quand on vit quelque chose de difficile. C’est plutôt prendre conscience que dans certains cas modifier sa perception ou son comportement face à une situation peut aider à mieux la vivre.
De même, le yoga, la méditation, les techniques de respiration, marcher en forêt ou encore prendre un bain ou voir des copaines sont des choses qui peuvent être source de beaucoup de bien-être. Mais il est important de choisir les outils qui te conviennent à toi à un instant T et prendre conscience à la fois que rien n’est magique, que tout le monde n’a pas les mêmes besoins, et aussi que tes besoins à toi peuvent évoluer. Par exemple la méditation peut t’aider énormément à une période de ta vie et ne plus du tout te convenir à un autre moment.
Faire du développement personnel un allié
Pour que le développement personnel reste l’allié qu’il peut être quand on s’y intéresse avec mesure, quelques tips :
- Te demander ce que tu recherches. Attention à la quête de perfection qui ne peut mener qu’à la désillusion ou à la frustration. Devenir « la meilleure version de toi-même » ? Bullshit ! Améliorer ton bien-être, ton épanouissement, mieux te connaître et te comprendre, etc. pourquoi pas ?
- Prendre conscience que la vie n’est pas une montagne où tu peux atteindre le sommet de la perfection, mais un chemin jamais fini où il y aura toujours des hauts et des bas, développement personnel ou pas ! Tu ne deviendras jamais le zen incarné, maître·sse de toutes tes émotions, heureuxse en permanence, et c’est tant mieux, car c’est ce qui nous rend humain·e·s.
Tu ne te connaîtras jamais à 100% non plus, même avec toute l’introspection du monde. Donc si tu es dans une quête infinie, que tu as lu tous les livres de dev perso et que tu suis plein de comptes insta sur le sujet mais que ça ne va pas mieux ou jamais assez bien, c’est peut-être le moment d’arrêter la quête ! - Ne pas essayer de suivre une recette, appliquer un modèle, mais te tourner plutôt vers l’intérieur et revenir à l’écoute de toi : quelles sont mes émotions ? quels sont mes besoins ? qu’est-ce qui me nourrit et me fait du bien ?
- Te méfier des personnes qui vendent des solutions miracles, de tout ce qui est trop beau pour être vrai. Fuis aussi celles qui te culpabilisent, qui te disent que tu crées entièrement ta réalité, que tu as choisi de vivre les épreuves que tu traverses, etc.
- Comprendre qu’il n’existe pas d’émotion négative et que la finalité n’est pas le bonheur sans limite. Toute émotion a un rôle et le but n’est pas d’étouffer celles qui sont désagréables mais plutôt d’apprendre à les accueillir, les exprimer, comprendre les besoins qui se cachent derrière.
- Ne pas être que dans le soin de soi. Les relations avec les autres sont essentielles, faites de présence, d’entraide, de soutien, d’écoute… et tout cela est au moins aussi important sinon plus que le travail que tu peux faire seul·e.
- Remettre le développement personnel à sa juste place. Ce n’est pas de la thérapie, ce n’est pas de la médecine, ce n’est pas la réponse universelle pour améliorer son bien-être et sa santé mentale. Bref, c’est super quand utilisé à bon escient, mais ça ne fait pas tout, loin de là. Quand ça ne va pas du tout, ça ne suffira pas (et parfois ça peut faire plus de mal que de bien).
- Et ça va sans dire mais ça va mieux en le disant : si essayer d’adopter un outil de développement personnel te fait plus de mal que de bien (ex : tu n’arrives pas à méditer et ça te stresse, tu as l’impression de ne pas assez bien faire telle chose et cela impacte ta confiance en toi, etc), alors c’est qu’il y a un souci. Peut-être pas le bon outil, pas le bon moment, pas la bonne personne ? Ou peut-être même que globalement pour le moment le dev perso n’est pas la réponse.
Bref d’une manière générale, c’est toujours une histoire de garder ton esprit critique, prendre du recul, garder de la mesure. Si on te parle d’un truc, n’hésite pas à faire des recherches sur le sujet, croiser les sources.
En ce qui me concerne aussi, j’ai choisi de prendre ce qui me parle et m’aide et jeter le reste, je fais les trucs à ma sauce. Par exemple, il y a personnellement des outils que j’utilise parfois dans ma propre vie car je constate des résultats positifs, mais qui ont des bases que je ne valide pas car je ne les trouve pas saines. Par conséquent je n’irais pas en parler, les recommander à mon entourage ou mes clientes, et je les regarde toujours avec recul et raison.
Et toi, le développement perso, t’en penses quoi ? Est-ce que tu vois des dérives que j’aurais éventuellement oublié de mentionner ? Tes retours sur le sujet m’intéressent, que tu sois d’accord ou non ! 🙂